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Réminiac

Publié le 7 mai 2021

8 mai 1945. Ploërmel-Guillac: Marcel et Félix se souviennent

Parce que la date du 8 mai annonçant l’anniversaire de l’armistice de 1945 approche, Félix Rouault, 98 ans dans quelques jours, a invité à son domicile Marcel Bergamasco 96 ans, son camarade de toujours et résistant comme lui pendant l’occupation allemande. Ensemble ils se sont remémorés les souvenirs de cette période et celle du 8 mai 1945. Les 2 anciens combattants des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) étaient entourés de Stéphane Rouault le fils de Félix et maire de la commune de Guillac… Nous étions avec eux. On vous raconte, c’est poignant

A la question : “Comment avez-vous vécu le jour de l’armistice ?”, c’est Marcel qui s’empresse de raconter : “Après la libération de Ploërmel, je suis parti dans l’Est de la France de novembre 44 à mars 45, d’abord dans les Vosges, pour renforcer les structures américaines. A Strasbourg, les Américains ne laissaient pas les résistants traverser le Rhin pour passer la frontière en Allemagne. Parce qu’ils craignaient nos représailles envers l’ennemi, nous fûmes cantonnés à Lucey près de Nancy pour garder les prisonniers allemands.” En avril 1945, Marcel revient à Rennes et la même mission lui est confiée à Saint-Jacques-de-la-Lande : la surveillance des prisonniers allemands ! “Le matin du 8 mai 1945, je suis cantonné au château des Loges à Bruz, quand au moment de l’appel nous prenons connaissance de l’armistice. Nous avons aussitôt quartier libre ! C’est la joie, la liberté totale ! Au volant d’un camion, je conduis mes camarades et nous partons danser et faire la fête sur l’Esplanade du Champ de mars à Rennes…”

Pour Félix, cela ne se passe pas du tout de la même manière, car les circonstances sont bien différentes.

En mai 1945, comme de nombreux FFI venus de tout le Morbihan, Félix se trouve depuis 5 mois déjà, dans la Poche de Lorient, une zone de résistance allemande. Elle s’étend sur 50 kms, des rives de la Laïta de Guidel jusqu’à Plouharnel. “Les Allemands ne voulaient pas se rendre. Ils luttaient et gardaient leurs solides positions. Je faisais partie des résistants français, qui accompagnés d’une division américaine, étaient chargés de faire le blocus pendant de longs mois. J’étais hébergé à Plouhinec chez le propriétaire d’un parc à huîtres. Un jour, une violente attaque allemande m‘a obligé à quitter mon poste assis devant ma mitrailleuse. J’ai même eu droit à une remontrance de la part d’un supérieur, pour soi-disant : “avoir abandonné la pièce !”. Pourtant l’ennemi venait de nous balancer 70 obus ! Mon siège fut déchiqueté et enfoui sous 3 mètres de terre… Heureusement que j’avais abandonné ma pièce !“, sourit Félix aujourd’hui ! Pour lui, pas de souvenirs réjouissants, pas de fête non plus le 8 mai 1945, puisque les Allemands refusaient de signer l’armistice.” Seule consolation pour Félix : “Nous mangions des huîtres tous les jours !” L’ennemi ne déposera les armes que le 10 mai, dans un champ à Caudan. 26 000 Allemands furent capturés…

Les conversations s’enchaînent , les souvenirs se bousculent, se partagent et les 2 anciens combattants revivent leur guerre…

Marcel raconte : « Je n’ai pas entendu l’appel de De Gaulle le 18 juin 40. Ce sont des copains qui m’en ont parlé le lendemain. Ensemble nous avons décidé d’agir et de chasser l’ennemi du territoire !  » Marcel a seulement 15 ans en 1940 : « Quand les Allemands sont arrivés à Ploërmel, il fallait que je fasse quelque chose, alors j’ai commencé à crever les pneus de leurs véhicules…Petit à petit mes actions sont devenues plus importantes et plus structurées : sabotages des lignes téléphoniques, des voies ferrées…” Marcel vit et travaille dans l’entreprise de maçonnerie de ses parents à Ploërmel. Il utilise le camion de l’entreprise pour transporter clandestinement des armes et des munitions, pour ravitailler le camp. Marcel, résistant très actif pendant 4 ans d’occupation, est arrêté à plusieurs reprises, et notamment le 2 juin 1944 par la Feldgendarmerie de Ploërmel (police militaire allemande). Il est roué de coups sur tout le corps à la barre de fer, torturé au nerf de bœuf, mais ne parle pas, ne trahit pas ! Par chance, l’occasion de s’évader se présente un jour. Spontanément, Marcel  pousse très fort le jeune soldat allemand qui le tenait seul en joue à ce moment-là, puis il court, très très vite à travers champs. “Dans un premier temps, je trouve refuge au village de Blond à Guillac chez les Perrichot”. Remis sur pied, il participe dès le matin à la bataille de St-Marcel le 18 juin, où il se bat courageusement avec ses frères d’armes…

Moins de 2 mois plus tard, la 4ème division blindée américaine et le général John Shirley Wood, en provenance de Rennes, arrivent à Ploërmel. Les Allemands subissent de lourdes pertes et reculent vers Lorient. Le dimanche 6 août, Ploërmel fête sa libération. Le maire Louis Guillois reçoit la délégation militaire américaine devant la mairie. Les Ploërmelais, qui partaient à la messe, les rejoignent. Beaucoup de FFI, des hommes et des femmes qui ont résisté, perdirent la vie au cours des années d’occupation et pour la libération. Marcel Bergamasco l’a vécu et témoigne aujourd’hui :

« Je n’ai pas pu participer à la libération début août, pour 2 raisons : d’abord parce que suite à mon passage à tabac par les Allemands, je souffrais de séquelles et d’hémorragies. Ensuite, parce que j’étais toujours recherché par la police allemande ; J’avais été reconnu par 2 feldgendarmes faits prisonniers. Je vivais clandestinement dans le grenier à foin de la veuve Richer, au village de la Ville Bonne à Taupont . Elle prenait soin de moi avec 2 religieuses, placées là par le docteur Guillois fils et le chirurgien Rouxel ».  Les parents de Marcel sont inquiétés aussi par l’occupant, au sujet de leur fils. Ils trouvent refuge avec la famille, à St-Méen-le -Grand. Mais les combats, la fatigue, la malnutrition, le manque de sommeil et les efforts physiques ont raison de l’état de santé de Marcel. Il est victime d’hémorragies de l’estomac en juillet. Il reçoit des transfusions, puis quotidiennement des soins avec piqûres et coagulants. “Je ne vivais que pour la libération à cette époque. Alors, ce jour-là, je demande la permission au docteur de me laisser aller à Ploërmel.” Le docteur accepta à condition, que cela ne dure pas longtemps. “Nous voilà en route pour Ploërmel avec le fermier Jean-Louis Levoyer, son cheval, sa charrette, les 2 bonnes sœurs et moi avec mes béquilles. Les premiers américains, que je vis, conduisaient une ambulance. Ils sont venus vers moi et m’ont serré la main. Ils m’ont offert des cigarettes et ont donné des bonbons aux bonnes-sœurs. Nous avons ensuite regardé le convoi passé. Nous ne sommes restés qu’une demi-heure, mais j’étais tellement heureux d’être là ! ”

Félix Rouault, a toujours été domicilié à Guillac. En 1940, il a 17 ans et s’illustre aussi par ses actes de résistance. Enfant unique, sa mère à laquelle il ne racontait pas toujours ses actions, s’inquiétait beaucoup et tremblait pour lui…”D’autant plus que Toussaint, le père de Félix, participait de son côté à des actions  isolées. Chaque fois que mon grand-père en avait l’occasion, il apportait son soutien aux résistants, lui l’ancien poilu de 14/18 qui avait été mobilisé en 39 !”, ajoute Stéphane Rouault.

Félix appartenait à la compagnie Est de Ploërmel, sous les ordres du commandant Le Roch. Il assiste d’abord à des réunions de maniements d’armes, puis déplace les armes d’un dépôt à l’autre. “Un jour, sur la route de Bezon, je me suis fait contrôler par une patrouille allemande, alors que je transportais des bidons de lait. Tout se passe bien, j’obtiens l’autorisation de circuler ! Ouf, dans les bidons de lait se trouvaient des révolvers cachés ! Ce jour-là, j’ai eu très chaud !” se souvient Félix. La nuit, Félix participe à des missions de sabotage, notamment quand il coupe les poteaux électriques avec son ami Julien Daniel, FFI comme lui. Plus tard, Félix rejoint les parachutistes et le commandant Pierre-Louis Bourgoin, dit le Manchot. Il combat à ses côtés au Bois Joly à Saint-Marcel. La nuit du 17 au 18 juin 1944, veille de la bataille de Saint-Marcel, Félix reste éveillé, car il est occupé à ramasser les armes qui ont été larguées par les parachutages, jusqu’au lever du jour. Sans dormir, il s’en va ensuite combattre l’ennemi tout au long de la bataille de ce 18 juin. “Nous étions mes camarades et moi positionnés sur le terrain de parachutage, non loin de la Nouette.” Le lendemain 19 juin, Félix, qui souhaitait rester auprès de sa compagnie, entend son lieutenant Roger De La Grandière lui dire, comme à ses camarades :“Vous pouvez rentrer chez vous. Nous ne savons pas de quoi sera fait demain. Il faut vous cacher maintenant !” Félix raconte encore ému : « Je suis donc rentré à Guillac dans ma famille le 19 juin. Plusieurs gars ont couché la nuit dans le grenier à foin de notre ferme. Quant au lieutenant, il a été tué le lendemain, quel triste sort !”

Pour Félix, la motivation principale est de continuer à faire face à l’ennemi. Quelques semaines plus tard, il participe courageusement à la libération de Ploërmel. “Je ne voulais plus vivre sous la botte allemande. J’avais pour mission d’effectuer des patrouilles dans la ville et de surveiller si des groupes de soldats allemands se formaient, se cachaient, pour les ramasser. Avec ma section, nous étions commandés par le capitaine Paul Le Roch, par d’autres chefs de la résistance et aussi par des officiers qui avaient été mobilisés en 39.”

Le jour de la libération, Félix participe au défilé avec la population et les Américains. Il reçoit les ovations et remerciements des habitants. Dans le cortège, les chants couvrent le bruit des pas et des véhicules. “Je ne sais pas si ce que j’ai fait a été utile au pays, mais je l’ai fait de bon coeur.” dit-il modestement aujourd’hui !

Marcel et Félix ajoutent ensemble “Nos 2 camarades, Jean Daniel et Raymond Le Pesteur étaient en fonction au carrefour de Malleville. Ils ont été les premiers FFI à voir l’arrivée des  premiers chars américains. Faciles pour nous, d’imaginer leurs ressentis !”

Marcel Bergamasco est président de l’Amicale des anciens FFI, secteur Ploërmel depuis 1998, après le décès de Jean Daniel l’ancien président. L’association a été créée en 1946. La même année, l’association recevait le drapeau de l’Amicale des FFI et CVR (Combattants Volontaires de la Résistance qui devient l’Armée secrète).

Voilà juste 2 ans, le 8 mai 2019, Marcel et Félix  remettaient le drapeau des FFI à la mairie de Ploërmel, en sollicitant cependant auprès de Patrick Le Diffon le maire, de pouvoir en conserver l’usage pour les obsèques des derniers résistants. Le drapeau est depuis exposé dans une vitrine à la mairie…

Le mois suivant, le 22 juin 2019, la borne de la libération était inaugurée au rond-point Guillois, en présence de nombreuses personnalités locales et de celle du petit-fils du général américain John Wood, qui porte les mêmes noms et prénoms que son grand-père. Marcel Bergamasco a assisté, avec honneur, à la cérémonie et au défilé de véhicules d’époque. Quelques jours plus tard, Félix Rouault, qui n’avait pas pu être présent ce jour-là, s’est fait accompagner par son ami Marcel sur les lieux, pour admirer la borne avec beaucoup d’émotion…

Les 2 anciens FFI affichent de nombreuses décorations dont celle de Chevalier de la Légion d’honneur, toutes bien méritées !

Le témoignage exceptionnel de Marcel Bergamasco:

 

L’inauguration des bornes de la libération, le 22 juin 2019 a josselin:

 

 

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