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Publié le 26 juin 2021

Malestroit. Guerre de 1870: les révélations du carnet intime oublié

La guerre de 1870… C’est sans doute une des époques les moins connues de notre histoire contemporaine. C’est cette époque justement qu’abordait dans son programme de 4è, Pierre Chérel, professeur d’histoire dans un collège de Malestroit, il y a quelques années. Il avait alors demandé à ses élèves si certains avaient des documents familiaux se rapportant à cette époque. « Je sais que mon arrière grand-père a fait la guerre », lance alors Allan un de ses élèves.

Quelques jours plus tard, l’élève remet à son professeur, un mystérieux petit carnet, retrouvé par ses parents dans une vieille malle oubliée dans un grenier. Le document est en très mauvais état, jauni par le temps, difficile à décrypter, mais sur son titre est explicite: « Souvenirs de la campagne de Prusse de Gesvret Jean-Baptiste »… Un trésor pour Pierre Chérel qui se plonge dans le carnet avec délectation. Outre son métier de professeur d’histoire, il est aussi membre de l’association malestroyenne Maltrec qui réunit des passionnés d’histoire et de patrimoine. C’est une véritable enquête dans laquelle il se lance, un peu comme un escape game temporel. Les investigations sont difficiles car le carnet est en très mauvais état. « Il manquait des pages. On pense que le milieu familial a du en arracher quelques-unes dont le contenu pouvait être choquant », imagine l’historien. Car le carnet est un recueil de poèmes, de chansons, rédigés par Jean-Baptiste Gesvret, sans doute pour passer le temps, se changer les idées. Et certains textes sont un peu grivois, d’où l’hypothèse d’une censure familiale du carnet.

Mais le petit carnet n’a pas fini de révéler ses secrets. D’abord sur l’identité de son auteur. Très vite il s’avère qu’il ne s’agit pas un arrière-arrière-arrière grand-père du collégien comme le pensait la famille, mais le grand-oncle de son arrière grand-mère. Les passionnés de généalogie comprendront…

Mais ce journal intime est aussi un précieux témoignage de la vie quotidienne d’un soldat breton de cette guerre d’un autre temps où la cavalerie est confrontée aux premiers canons. Une boucherie dans un environnement glauque.

Rédigé pendant le confinement

« J’ai remis le carnet en ordre pour retracer l’itinéraire de Jean-Baptiste Gesvret, à partir d’une carte. Il raconte sa vie quotidienne jusqu’à sa libération. Son récit révèle son patriotisme, son amour de la France et son envie de revenir au pays… », explique Pierre Chérel qui va poursuivre ses recherches pour tenter de combler les zones d’ombre de la vie du soldat Gesvret. Il ira fouiner jusque dans les archives de l’archevêché de Rennes. Des investigations qui dureront un an. Et puis, le confinement est arrivé. Alors en liaison avec la famille malestroyenne qui a retrouvé le carnet, son élève, Pierre Chérel profite de cette période pour rédiger un petit livre qui permet de reconstruire cette histoire, riche d’enseignements historiques. Car la guerre de 1870 est aussi celle d’une injustice qui a frappé les bretons, soupçonnés d’être des ennemis de la République alors qu’ils étaient plutôt, à l’image de Jean-Baptise Gesvret de véritables patriotes. Ce dernier en voulait à ses chefs de les avoir laissé être encerclés sans pouvoir se battre. D’ailleurs, après la guerre, Jean-Baptiste Gesvret s’est réengagé dans l’Armée. « Un jour on aura notre revanche… », écrit-il.

Mais en dépit des multiples recherches qu’il effectue, Pierre Chérel finit par perdre la trace de ce soldat breton -qui n’aurait jamais vécu à Malestroit- au début du 20è siècle. Il a remis son ouvrage de reconstitution à la famille malestroyenne de Jean-Baptiste Gesvret au début de cette année. Mais -désolé pour les passionnés d’histoire régionale- il restera au sein du cercle familial comme un témoignage qui traversera les âges.

« Bien que le déroulement de sa vie soit nébuleux, Jean-Baptiste nous laisse toutefois un témoignage précis et détaillé du conflit de 1870. Nous partons accompagner ce soldat breton plein d’enthousiasme, rempli de valeurs patriotiques mais qui sera vite déçu par les décisions absurdes de ses chefs. Le récit de Jean-Baptiste est celui d’un soldat frustré, immobilisé à Metz par les ordres de ses supérieurs puis envoyé dans les camps de prisonniers à l’Est.

Mais à travers le point de vue historique du soldat breton, nous apprenons à connaître l’individu. Nous découvrons en effet une personnalité à l’humeur joviale, aimant la vie et qui, dans les moments difficiles, semble trouver refuge dans l’écriture de poèmes et de chansons. Loin des clichés du Breton du 19è siècle venant de sa campagne, Jean-Baptiste sait manier la langue française avec amusement et beaucoup de créativité »

extrait de l’éditorial rédigé par Allan, élève malestroyen de Pierre Chérel

La tragique histoire de l’armée de Bretagne

C’est l’histoire dans l’histoire. Celle de l’Armée de Bretagne pendant la Guerre de 1870 sur laquelle revient Pierre Chérel dans son livre. En octobre 1870, 50 000 bretons sont mobilisés et envoyés dans le camp de Conlie, près du Mans pour recevoir une instruction militaire et former l’Armée de Bretagne. mais très peu d’entre eux seront retenus pour le combat, les armes promises n’arrivent pas car les Républicains craignent que se reconstitue une armée de Chouans. Les Bretons sont abandonnés là dans des conditions épouvantables. Ils surnomment ce véritable camp de la mort « Kerkank », (village de boue). Le 12 janvier 1871, les bretons du camp de Contie sont massacrés par les prussiens. La Bretagne ne pardonnera jamais à Gambetta d’avoir sacrifié sa jeunesse.

Pierre Chérel rappelle cette déclaration de Gambetta:

« Que nous importe ces Bretons bretonnants.

A Conlie, c’est d’la piétaille, ramassis de chouans »

Le 28 janvier, le gouvernement de la France signe l’Armistice qui met fin à la guerre avec la Prusse. Les soldats prisonniers peuvent retrouver leurs familles.

 

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