Publié le 26 avril 2020
Coronavirus. Guer: Baptiste Denieul, chef étoilé: « mon état d’esprit »
Nous l’avions contacté il y a quelques jours, lorsque le débat sur la situation des restaurants et la problématique de leur réouverture montait en puissance dans le cadre de la crise sanitaire liée au coronavirus. Les grands noms de la cuisine française s’exprimaient sur la question sur les ondes et les écrans. Alors, lui Baptiste Denieul, chef étoilé de l’auberge Tiegezh à Guer qu’en pensait-il? Un avis important que celui de ce jeune chef qui a lourdement investi au cours des toutes dernières années pour développer son affaire et créer un hôtel. « Justement, je suis en train de jeter sur le papier mes réflexions », nous avait-il répondu. Du coup, nous lui avons proposé de nous transmettre son « papier ». Nous publions aujourd’hui en intégralité cette tribune dans laquelle Baptiste Denieul fait le point de sa situation mais livre également ses réflexions sur l’avenir de son entreprise, mais aussi de la société « d’après ». Une vision réaliste et pragmatique, mais pleine de raisons d’espérer…. Bonne lecture!
« Baptiste Denieul:
« Subir ou agir », mon état d’esprit!!!!,
Je pense qu’il est important que chacun agisse à son niveau pour contribuer à la reconstruction de notre économie et aider à assurer un avenir meilleur et plus juste.
Il y aura toujours à redire sur les décisions du gouvernement, il est compliqué de se forger une opinion en étant entouré d’experts aux avis souvent contradictoires.
Personnellement je me dis simplement que dans le monde, il y a une personne sur deux qui travaille malgré le Covid-19, certainement avec la peur au ventre, et plus de la moitié de la population mondiale qui n’a aucune couverture sociale et qui ne reçoit aucune aide économique malgré la crise…
De ce fait, j’ai changé d’avis. Il y a quelque temps, j’avais peur de sortir et de reprendre mon activité. J’avais peur de devoir gérer l’angoisse de mes salariés, de devoir travailler avec des règles d’hygiène impossibles pour mon restaurant. J’avais peur de mettre ma famille en danger. J’avais peur de mettre ma responsabilité pénale en jeu. Je ne peux assurément pas surveiller mes clients et mon rôle n’est pas de faire la police.
Je reconnais aussi culpabiliser de ne rien faire. Mon métier m’impose un rythme sur l’année de 15h par jour et je suis fier de réussir à le tenir grâce à mes efforts.
Actuellement je m’ennuie profondément et j’ai l’impression de subir le temps, alors qu’habituellement je me plains de ne pas en avoir assez.
J’ai bien sûr essayé de me rendre utile en proposant un plat traiteur tous les samedis matins et en travaillant encore davantage avec des producteurs locaux. J’ai également reversé une partie des bénéfices au profit des soignants et partagé des vidéos de recettes simples pour garder contact avec les clients.
Malgré tout cela, je culpabilise encore en voyant tous ceux qui sont au front.
Économiquement parlant, je suis conscient que le prêt bancaire PGE me permet de survivre provisoirement malgré la fermeture complète de mon établissement. Je reconnais également que la réouverture m’angoisse : il me faudra rembourser et payer toutes mes charges malgré la baisse d’activité de 50% annoncée. Plus ou moins inconsciemment je préfère rester fermé pour rouvrir dans les meilleures conditions possibles et je croise les doigts pour un soutien encore plus important de la part de l’Etat. Je privilégie la sécurité de mon entreprise et la santé de mes proches, c’est ma priorité mais mon point de vue évolue…
J’ai pris la décision personnelle, en regardant tous ceux qui travaillent chaque jour, d’être acteur de la relance économique, solidaire et prudente.
L’aspect financier n’est pas à négliger compte tenu des investissements et du travail réalisé par l’équipe et par moi-même mais ce qui me plaît par dessus tout c’est la créativité et personnellement j’investis tout ce que je gagne. Je ne vis pas avec la peur de tout perdre. Je suis partie prenante de la reconstruction de notre économie. Ce virus ne disparaîtra pas demain, je mets donc toute mon énergie pour réouvrir malgré un avenir sombre et incertain, mon but étant de contribuer à l’effort national, qu’il soit économique ou social.
D’un point de vue strictement professionnel, je m’adapterai en fonction de ce que l’Etat nous imposera mais je pense déjà à deux dispositions importantes pour garantir la sécurité sanitaire :
-diminuer la capacité d’accueil sur place et développer les formules « à emporter » afin de faire plaisir aux personnes les plus fragiles, dans des règles sanitaires adaptées ;
-désinfecter quotidiennement l’ensemble de l’établissement et protéger mes équipes avec des masques et gants en permanence.
Mon restaurant étant gastronomique, que ce soit pour 15 ou 30 couverts il me faut mon équipe au complet pour conserver la qualité de la prestation. C’est pourquoi je compte sur l’Etat pour accompagner nos entreprises, pérenniser nos emplois et faire pression sur les assurances afin qu’elles nous indemnisent pour la perte d’exploitation que cela engendrera.
Il s’agit de mesures simples, « les indispensables » si j’ose dire… Il est clair qu’une deuxième vague serait dramatique… mais réouvrir en Septembre ne ferait que décaler le problème sans le traiter. Comme ce virus est transmissible et très contagieux, je dois et chacun doit, changer ses habitudes pour protéger les autres de soi-même. Dans de telles circonstances un contrôle sanitaire doit être créé pour faire appliquer les règles et les gestes barrières.
Pour le monde d’après, il va être primordial de raisonner en termes d’écologie et d’économie locale. Beaucoup avaient déjà commencé à en prendre conscience et fait le pas d’un changement de mode de vie mais il faut que la France soit avant-gardiste. Elle doit encourager cette démarche du « consommer local ». Il faudrait à mon sens, interdire l’importation des produits frais du monde entier qui peuvent être produit en France, pour manger de manière plus raisonnée et redonner à notre agriculture française une compétitivité et les moyens de produire mieux.
Je ne suis pas contre l’Union Européenne, bien au contraire, mais la politique agricole européenne me semble anti-écologique et illogique. L’Europe doit imposer des règles de production identiques à chaque pays et ne doit pas pratiquer un libre échange total et inconditionnel.
Pour moi seuls des dons aux pays dans la misère ont du sens. Une meilleure démarche écologique suppose moins d’exportations de produits frais, chaque pays favorisant ses cultures vivrières locales. Les exportations et importations devraient être réservées aux produits secs, alcools et épicerie qui se conservent bien et qui sont moins coûteux. Les grandes surfaces devraient aussi vendre 50% de produits régionaux en circuit court.
Pour valoriser le travail et rendre compétitives sur le marché du travail les petites entreprises, celles-ci devraient payer moins de charges sur les salaires de leurs collaborateurs afin de pouvoir augmenter leur rémunération, être plus rentables et se faire une place face aux gros groupes. Taxer les grosses entreprises qui vendent en France mais ne travaillent pas des produits français ou fabriqués en France, cela paraît radical mais plutôt logique. C’est ainsi que je vois l’après-crise : à mon avis, il ne faut rien arrêter, juste vivre différemment, changer radicalement notre façon de vivre et notre rapport aux autres.
Enfin le confinement a été la meilleure des solutions sur l’instant et a montré qu’une grande partie des responsables politiques dans le monde privilégiaient la santé de leurs concitoyens par rapport aux profits financiers. J’ai d’ailleurs été fier d’être français… Essayons de penser dans ce sens, de privilégier la protection des uns et des autres.
Pou conclure, je suis pour une réouverture mais accompagnée car les entreprises doivent être aidées afin de protéger la santé physique et économique de leurs membres.
J’aimerais que notre Etat décide d’être à l’avant-garde, celui qui créera un nouveau système, protecteur pour chacun et montrera l’exemple. »
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