Pays de Ploërmel

Publié le 10 septembre 2025

Ploërmel. Situation financière critique de l’hôpital : ce que dit le rapport de la cour des comptes

La Chambre régionale des comptes de Bretagne a publié un rapport accablant sur le Centre hospitalier de Ploërmel (CHP), couvrant la période depuis 2018. L’établissement, qui joue un rôle essentiel de proximité dans le Morbihan, fait face à une double crise : une dégradation continue de sa situation financière et des difficultés croissantes de ressources humaines. Pour la Chambre, l’hôpital n’est pas en mesure de supporter le reste à charge de la construction du projet immobilier et notamment du nouvel EHPAD, même si elle reconnait que celui-ci est indispensable. Pour la chambre régionale des comptes, l’urgence absolue pour l’hôpital de Ploërmel est l’assainissement de ses comptes avant de pouvoir envisager tout autre projet. Selon elle, il est nécessaire pour cela de « repenser l’offre de soins à l’échelle du territoire du GHT » (page 36 du rapport).

(voir le rapport intégral ci-dessous).

On apprend dans ce rapport que l’établissement a été victime d’une fraude commise par une entreprise d’intérim qui lui a valu un redressement de 453 000 euros de la part de l’URSSAF (page 18 du rapport de la chambre régionale des comptes).

La réponse du directeur général

Dans sa réponse aux observations de la Chambre régionale des comptes (pages 40 à 43 du rapport), le directeur général du Groupement hospitalier Brocéliande Atlantique, Philippe Couturier, reconnaît les difficultés mises en lumière par le rapport tout en insistant sur les actions déjà engagées. Il souligne que le déficit structurel est bien identifié et que plusieurs démarches de redressement sont en cours, notamment une meilleure maîtrise du recours à l’intérim médical et non médical, ainsi qu’une politique active de recrutement et de fidélisation. Concernant l’Ehpad, il rappelle que le projet de reconstruction est une priorité partagée avec les partenaires institutionnels et que des financements complémentaires sont activement recherchés (Ploërmel communauté s’est engagée à verser 1,8 M d’euros et l’OBC, 600 000 euros). Enfin, Philippe Couturier insiste sur le rôle essentiel de l’hôpital de Ploërmel dans l’offre de soins du territoire et plaide pour que son avenir soit envisagé dans une logique de coopération et de solidarité hospitalière à l’échelle régionale. Il regrette le redressement de l’URSSAF qu’il estime injustifié.

Un hôpital indispensable mais fragilisé

Avec 418 lits et places – dont 177 en Ehpad – et un budget annuel avoisinant 70 millions d’euros, le CHP assure des missions essentielles en médecine, chirurgie, maternité et gériatrie. Sa patientèle, issue à 92 % du Morbihan, dépend largement de cet hôpital de proximité dans un territoire marqué par le vieillissement et une faible densité médicale libérale.
Cependant, malgré ce rôle central, l’activité hospitalière s’érode. Les séjours en hospitalisation conventionnelle chutent, notamment en chirurgie (–20 % depuis 2019), tandis que la maternité reste très en deçà du seuil de rentabilité fixé par les autorités sanitaires (567 accouchements en 2023 contre 1 200 attendus).

Des ressources humaines sous tension

Le rapport souligne une baisse de 16 % du nombre de médecins salariés entre 2018 et 2023, compensée par un recours massif à des praticiens mis à disposition par d’autres établissements, à des médecins libéraux et à l’intérim. En 2023, près de la moitié des effectifs médicaux provenaient de ressources extérieures.
Côté personnel soignant, l’absentéisme est élevé (plus de 10 % en 2023) et la fidélisation des infirmiers reste problématique : la majorité des nouvelles recrues quittent l’établissement dans les deux ans. Le coût de l’intérim atteint en moyenne 2 millions d’euros par an, auxquels s’est ajouté le redressement Urssaf de 453 000 € en 2022.

Une situation financière critique

Les déficits se creusent année après année : –3,3 M€ en 2018, –6,9 M€ en 2023. Le report à nouveau négatif atteint désormais 29 M€. Les dettes fiscales et sociales s’accumulent, notamment vis-à-vis de l’Urssaf et du Trésor public, pour un montant de 14 M€ en 2024. Les délais de paiement aux fournisseurs dépassent régulièrement le plafond légal de 50 jours.
Sans autofinancement possible, l’hôpital ne peut recourir à l’emprunt pour ses investissements. Or, la construction d’un nouvel Ehpad (16,1 M€) apparaît indispensable compte tenu de la vétusté des locaux. Si l’État et le département du Morbihan apportent un soutien financier important, le reste à charge de 5,6 M€ reste hors de portée dans l’état actuel des finances.

« Dans ce contexte, la construction d’un nouvel Ehpad pour 16,1 M€ apparaît indispensable au regard de la vétusté des locaux et pour permettre à l’établissement de rester attractif. Si elle s’accompagnera d’un important soutien financier de l’État (8 M€) et du département du Morbihan (2,5 M€), elle se soldera toutefois par un reste à charge de 5,6 M€ pour l’établissement. Or, un recours à l’emprunt ne peut être raisonnablement envisagé, compte tenu de l’incapacité du CHP à dégager le moindre autofinancement. En effet, la charge financière de cette dette supplémentaire aggraverait davantage encore les difficultés que rencontre l’établissement depuis plusieurs années. »

Rapport de la Chambre régionale des Comptes 

Des recommandations urgentes

La Chambre régionale des comptes appelle à un redressement structurel. Elle formule notamment six recommandations, dont :

• l’élaboration dès 2025 d’un projet d’établissement avec un plan financier pluriannuel,
• la mise en place d’un plan de lutte contre l’absentéisme,
• le respect des délais légaux de paiement des fournisseurs,
• et l’adoption d’un plan global de retour à l’équilibre budgétaire.

Quant à la fusion avec le centre hospitalier de Bretagne Atlantique à Vannes, elle n’apporte aucune solution si elle se limite à une consolidation des comptes. Elle devrait s’accompagner d’une réflexion sur la réorganisation de l’offre de soins à l’échelle du territoire.

« Le projet immobilier ne peut, au plan financier, raisonnablement être envisagé tant que le CHP n’aura pas assaini sa situation. Cela passe par un renforcement des activités ou leur restructuration, par l’abandon de certaines d’entre elles, ce qui devra être formalisé dans un projet d’établissement, ainsi que par un apurement des dettes fournisseurs, fiscales et sociales et la reconstitution d’un fonds de roulement positif. De même, compte tenu de cette situation financière particulièrement dégradée, la fusion du CHP avec le CHBA ne présente que peu d’intérêt si elle est envisagée sous le seul angle de la consolidation des comptes des deux établissements, comme ce fut le cas en 2021. Pour présenter un intérêt, un tel projet devrait s’inscrire dans une réflexion plus large sur la réorganisation des activités sur chacun des deux sites, ce qui implique de repenser l’offre de soins à l’échelle du territoire du GHT. »

Rapport de la Chambre régionale des comptes

Le rapport de synthèse :

Essentiel_CH_Ploermel_FFTélécharger

Le rapport intégral de la chambre régionale des comptes :