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Pays de Ploërmel

Publié le 24 avril 2021

Taupont-Loyat. Journée de la déportation: le souvenir et l’émotion

Comme tous les derniers dimanches du mois d’avril de chaque année, c’est à dire ce dimanche 25 avril,  les Français rendront hommage aux victimes des camps nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale. Une cérémonie officielle se déroulera à Vannes à 11 heures en présence du directeur de cabinet du préfet. La Taupontaise Antoinette Lequitte et son neveux Marc Daniel, domicilié à Loyat, se sont retrouvés pour se souvenir d’Adolphe Lequitte le beau-frère d’Antoinette, raflé à Loyat le 20 janvier 1944 et mort en déportation le 18 février 1945.

Adolphe Lequitte est né le 13 août 1921 à Taupont. Son père est employé communal et garde champêtre dans la commune. Dans la fratrie Adolphe est l’aîné. Il a une sœur et un frère Etienne né en 1927, qui deviendra le mari d’Antoinette et a appris le métier de boulanger. Pendant l’occupation, il est employé dans la boulangerie à Loyat, qui se trouve juste en face de l’église. Chaque matin, il quitte Taupont à vélo et se rend à Loyat pour travailler.

Dans la nuit du 17 au 18 janvier 1944, le caporal allemand Hammes est retrouvé mort, sur la route de Loudéac dans le bourg de Guilliers. Il a été abattu d’une balle à l’arrière de la tête. Son ceinturon et son arme ont été volés ! Il se serait éloigné la veille de son détachement, pour aller s’approvisionner en beurre dans une ferme…

La réaction de l’occupant ne se fait pas attendre ! Puisque personne ne se dénonce et en guise de représailles, le jeudi 20 janvier les Allemands organisent une grande rafle sur 6 communes : Guilliers, Loyat, Mauron, Mohon, Evriguet et Brignac. Seuls des hommes jeunes sont emmenés.

“Adolphe, mon beau-frère se trouvait à son travail à la boulangerie, comme tous les matins ! Voilà pourquoi un Taupontais s’est trouvé embarqué dans la rafle avec les Loyatais !”, soupire tristement Antoinette. Marc raconte à son tour : “Antoinette est ma tante maternelle. Quant à ma famille paternelle, elle vivait dans une ferme à Loyat au village de Kerbois. Mes deux oncles, Joseph 22 ans et Emile 19 ans ont entendu les moteurs des véhicules allemands se rapprocher. Ils se sont enfuis aussitôt dans les landes pour se cacher, là où l’ennemi s’aventurait peu. Beaucoup de Loyatais ont fait de même, pour sauver leur peau. Quand les Allemands ont pénétré dans la ferme de mes grands-parents, il y avait mon grand-père François, 50 ans et mon père Roger, 15 ans. Ils n’ont pas été raflés, car l’un était trop vieux et l’autre trop jeune !”

“150 Loyatais partent à pied, la peur au ventre, escortés par les mitraillettes allemandes jusqu’à Guilliers. Certains en sabots, d’autres en pyjama, comme ils étaient vêtus au moment de l’interpellation”, relate Marc qui relaie les témoignages du boucher de Loyat, Henri Perrier. Raflé et déporté lui aussi, il est rentré de déportation et a vécu jusqu’en 2003.

Au total, ce sont 500 hommes, issus des 6 communes, qui sont rassemblés dans la cour de l’école publique de Guilliers (d’où le nom officiel de : La rafle de Guilliers). Adolphe Lequitte et 11 Loyatais font partie des 42 hommes retenus pour la déportation, les autres sont relâchés dans la soirée.

D’abord prisonnier dans une ancienne caserne de cavalerie à Compiègne-Royallieu pendant 2 mois, Adolphe fabrique des paillassons avec les autres prisonniers, sans être maltraités. Mais le 22 mars 1944, ils embarquent dans des wagons à bestiaux, entassés au nombre de 100 personnes par wagon. Ils ont un bidon pour faire leurs besoins et une botte de paille. Le voyage dure 3 jours, dans le froid et la puanteur, sans boire ni manger. Ceux qui tombent ne se relèvent plus ! La destination c’est l’Autriche, au camp de concentration de Mauthausen.

C’est le début de l’enfer ! Vêtu de l’uniforme de bagnard rayé et chaussé d’une plaque de bois avec lanière de cuir en guise de chaussures, le déporté part casser les cailloux à la carrière, escorté par les mitraillettes et les chiens des SS, le plus pénible labeur du camp. Il y a aussi le travail à la mine et en usine. Affamés, les déportés ne reçoivent que 80 grammes de pain et une louche de rutabagas, pour 15h de travail par jour. Les brimades, les menaces, les coups, les humiliations, comme celle de rester debout dans le froid sans bouger pendant l’appel pendant des heures, sont quotidiennes. Le manque de nourriture, les insomnies, l’insalubrité et le froid entraînent de nombreuses maladies : le typhus, la tuberculose  et la dysenterie pour les plus fréquentes…

Adolphe Lequitte ne reviendra pas de déportation. Il meurt d’épuisement à Mauthausen le 18 février 1945, alors qu’il n’a pas atteint son 24ème anniversaire… Parmi les 12 déportés de Loyat, seulement 5 seront libérés et rentreront chez eux : Eugène Nagat (20 ans), le boucher Henri Perrier (33 ans) et Gabriel Ruelland (25 ans) sont libérés du camp de Mauthausen par la Croix Rouge suédoise, le 28 avril 1945.

François Chérel (22 ans) et Roger Fontaine (31 ans) sont libérés du camp annexe de Mauthausen : Loibl-pass le 7 mai 1945, par la 11ème division blindée américaine.

A leur retour, ils sont  tous méconnaissables et pèsent moins de 40 kg. Meurtris dans leur chair et dans leur âme, ils garderont des séquelles physiques et psychologiques durant toute leur vie…

Sur la façade de l’église et sur place de l’église de Loyat où a eu lieu la rafle, deux plaques commémoratives rappellent que la commune a été éprouvée par la déportation, que 150 personnes y ont été rassemblées le 20 janvier 1944, que 12 d’entre eux ont été déportés, et que 7 ne reviendront jamais. La boulangerie, où a été raflé Adolphe Lequitte, est toujours au même endroit (visible sur la photo de la place !). La commune de Loyat a également érigé un monument consacré aux déportées de Mauthausen, morts pour la France…

Taupont rend hommage également à Adolphe Lequitte. Une plaque en sa mémoire se trouve à l’intérieur de l’église Saint-Golven.

Epilogue de la rafle de Guilliers, le 20 janvier 1944 :

On apprendra, à la libération, le nom des auteurs de l’attaque contre le caporal allemand. Il s’agissait de 3 résistants venus de Saint-Brieuc : Georges Ollitrault, Théodore Le Nénan et Emile Henry. Ce 18 janvier 44, ils sont interpellés par l’occupant mitraillette au poing, qui réclament aux 3 Français la présentation de leurs papiers. Deux des trois résistants l’abattent. Avant de s’enfuir, les trois hommes dérobent les papiers et l’arme de l’ennemi…

 

Documents:

Photos du camp de Mauthausen ci-jointes : voyage de recueillement de Marc Daniel en 2007.

Photo devant la maison d’Antoinette : C’est la maison familiale, où Adolphe Lequitte vivait avant le 20 janvier 1944 !

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